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Actualités littéraires et culturelles

https://www.lemarathondesmots.com/

Toulouse du 25 au 30 juin 2024

 

Publié par Ecriberté

Suite à la tentative de coup d'état de 2016 en Turquie, une série d'arrestations arbitraires a été décidée dans différents corps de métiers du pays. Les journalistes et écrivains ont subi le même sort. 

Ahmet Altan a été accusé par le gouvernement turc de diffuser des messages subliminaux. Il décrit son arrestation au petit matin avec son frère Mehmet. Il pense à son père qui quelques quarante-cinq plus tôt aussi un matin a été arrêté. "Ce que je vis n'a rien d'un "déjà vu". C'est la répétition d'une même réalité". (Extrait du livre).  

"Quarante cinq ans d'un seul matin pendant lequel mon père était mort et où j'avais vieilli, mais dont l'aube et ses intrus demeuraient inchangés". (extrait du livre)

Ce livre écrit en prison est un magnifique plaidoyer pour la liberté. Un écrivain peut-il devenir un modèle de courage et de résistance en écrivant des textes, dans des conditions inhumaines ? Il est évident que oui. Il suffit de lire  les textes d'Ahmet Altan pour comprendre ce que veut dire la résistance à l'oppression et la défense des valeurs humanistes.

Le début du livre est un déchirement devant l'injustice de son arrestation, mais Ahmet Altan nous propose une autre façon de la regarder. Page après page, Il nous invite à le suivre dans son cheminement intellectuel. D'abord, il y a son attitude distante face aux policiers qui viennent l'arrêter. A un policier qui lui offre une cigarette, il répond : J'ai secoué la tête en souriant : "Merci, je ne fume que quand je suis tendu". Cette réflexion déroutante et d'une force incroyable qui nous invite à sourire malgré tout. 

Puis, Ahmet Altan nous incite à réfléchir avec lui sur sa condition d'écrivain. Une question va être le fil rouge de ce livre : peut-on mettre un écrivain en prison ? Si on écoute les arguments d'Ahmet Altan, et bien non ! Un écrivain est un homme libre qu'aucune prison ne pourra enfermer. C'est toute la force de la littérature.

J'ai souri au policier qui me regardait à travers les barreaux. Vu de l'extérieur, j'étais un vieil Ahùet Hüsrev Altan aux cheveux blancs, allongé par terre dans une cage sans air et sans lumière, fermée par des barreaux en fer. Mais cela, c'était la "réalité" de mes geôliers. La mienne est tout autre. Moi, j'étais un jeune officier qui mange tranquillement des cerises, un pistolet braqué sur le coeur, j'étais Borges répondant "la vie" au voleur, j'étais César qui fait dresser des murs à Alésia. Parce que moi, il n'y a que quand je suis "tendu" que je fume (Extrait du livre)

"Ma vie serait faite de toutes ces invisibles luttes que livre la conscience entre quatre murs : j'allais être contraint de vivre en m'accrochant aux branches de mon propre esprit, les pieds suspendus au dessus du gouffre, sans pouvoir jamais m'abandonner, ne serais que l'espace d'un instant  de faiblesse, à ces douces ivresses qui font dévier les hommes de leur route. J'étais face au monstre de la réalité" (Extrait du livre)

"J'écris ces lignes dans ma cellule. Mais je ne suis pas en prison. Vous pouvez m'emprisonner mais vous ne pouvez pas me garder ici. Comme tous les écrivains, je suis magicien. Je peux traverser vos murs sans mal." (Extrait du livre)

Ahmet Altan nous raconte aussi comment le système carcéral broie les hommes. Il y a la promiscuité qui empêche toute intimité, les procès de mascarade qui enlèvent tout espoir de justice, les proches à l'extérieur qui attendent...

Des pages qui font réfléchir, des pages qui nous émerveillent de beauté par le style de l'écriture, des pages qui nous horrifient :  "Je ne reverrai plus le monde" c'est tout cela à la fois.

Ahmet Altan est un immense écrivain, qui nous montre le chemin de la liberté. Un écrivain que nous devons lire pour qu'il ne meurt pas. 

 Ahmet Altan a été libéré le mercredi 14 avril 2021. 

 

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