Petits oiseaux - Yoko Ogawa

Editions Actes Sud - 268 pages

traduction : Rose-Marie Makino-Fayolle

Illustration de couverture : Jérome Bosch - Le jardin des délices

Avec ce roman Yoko Ogawa aborde un sujet sensible - l'enfant différent - et son accueil au sein d'une famille et dans la société.

"Puisque son grand frère avait commencé à parler dans une langue inventée par lui peu après ses onze ans, à l'âge où le garçon avait pris conscience du monde qui l'entourait, ce langage qui avait atteint la perfection était solidement établi. Autrement dit, il n'avait jamais entendu son aîné prononcé des mots du quotidien que tout le monde utilisait, ses parents, les dames du voisinage et même les speakers à la radio". (extrait de la page 23)

Le cadet s'est adapté à son frère ainé. Il a même appris son langage. Ses parents ont compris que leur fils  ne serait jamais "comme les autres", mais ils ont plus de mal à admettre les faits. 

La mère cherche l'origine de cet handicap. Son fils parle peut-être un langage qui est utilisé ailleurs dans le monde. Elle l'emmène consulter un "psycholinguiste". Le verdict tombe glacial : Son fils ainé ne parle pas un langage.

"- ce sont des parasites. La mère a laissé échapper un cri, et peu après le psycholinguiste avait enfoncé le clou : - Pas même des mots." (Extrait de la page 31)

Les parents ont fini par admettre, et se sont peu à peu adaptés à ce fils qui préfère les oiseaux à toute compagnie humaine et qui parle un langage que seul leur fils cadet comprend. 

Le frère ainé n'est ni violent ni perturbé. Il est gentil et facile à vivre. Sa principale occupation concerne les oiseaux. Il les aime, un peu comme si leur univers était le sien. Sa confrontation au monde des êtres humains se limite à une visite à la pharmacie le mercredi pour acheter une "sucette pawpaw". Ces sucettes ont une particularité, le papier d'emballage représente un oiseau. Avec beaucoup de calme et de détermination, Les oiseaux des papiers d'emballage vont devenir des broches sous les doigts habiles du frère ainé. Sa première réalisation, il l'offrira à sa mère. 

Ce frère ainé a une vie solitaire mais semble heureux avec la compagnie des oiseaux au sein d'une famille qui fait attention à lui, puis seul avec son frère à la mort des parents. Leur vie va s'organiser autour de rituels et d'habitudes que le cadet maintient avec beaucoup de rigueur pour éviter de perturber son frère. Partir en voyage aurait bien plu au cadet mais son frère ainé a des difficultés à sortir de son univers. Ils préfèrent donc faire des voyages imaginaires. Chaque année, ils choisissent une destination, s'y préparent puis quand tout les bagages sont prêts, ils décident que le voyage est terminé et remballent toutes leurs affaires.

La seule compagnie de ces deux frères sont les oiseaux. Au fil du temps, Ils acquièrent de véritables connaissances en ornithologie. Ils deviennent des spécialistes et le roman nous offre de magnifiques descriptions d'oiseaux.   

Quand le frère ainé meurt, le cadet reste seul. Il organise sa vie entre son travail, la bibliothèque qui lui permet des lire des ouvrages sur les oiseaux et la volière du jardin d'enfants qu'il nettoie chaque jour. 

Les enfants du jardin d'enfants l'appellent le monsieur aux petits oiseaux. C'est un homme extrêmement gentil et serviable mais il vit en marge de la société. Il va éveiller la méfiance et être victime de la méchanceté,  de l'hypocrisie et d'un manque de loyauté des personnes qui le côtoient.  Ses collègues guettent la moindre occasion pour lui nuire, puis après la disparition d'une petite fille, il va être suspecté. Cet homme est le bouc émissaire parfait de la mesquinerie et de la bêtise de ses voisins. Même si son innocence a été prouvée, la directrice du jardin d'enfants ne voudra plus qu'il s'occupe de la volière. Il ira chaque jour constater impuissant, le manque de soins qui va faire mourir les oiseaux.  

Ce roman est un bel hommage à la différence, à cette différence qui nous apprend la tolérance et le respect des  êtres qui voient le monde d'une autre manière que nous. 

A la fin du livre, on assiste à une magnifique envolée d'oiseaux, un beau symbole de liberté...

L'oiseau à lunettes emblème de ce roman